Christian Churches of God Abrahams Legacy, sceptre and birthright promises. Christian Churches of God


Les Lemba. Une tribu perdue d’Israël en Afrique du Sud ?

 

Par Dr Magdel le Roux
Du Department of Old Testament et ANES
University of South Africa

RÉSUMÉ

J’ai eu une ferme en Afrique, au pieds de la Montagne Ngong. L’Equateur traverse ces hautes plaines, à cent miles au nord, la ferme se trouvait à une altitude de plus de six mille pieds … (Blixen [1937]1945 :1).

 

Ces mots signalent la phrase d’ouverture bien connue du célèbre roman, Out of Africa, de Karen Blixen. Simplement des mots d’ouverture, puisqu’on ne peut jamais épuiser l’Afrique en dissertant sur elle – ses histoires et ses rituels sont mystérieux, terre à terre, passionnant et suscitant le respect.

 

 

Mon histoire personnelle prend également origine en Afrique et aurait pu avoir une phrase d’ouverture similaire, elle débuta quand mon père acheta une ferme dans les hauteurs de Soutpansberg. Là, pour la première fois j’ai entendu l’histoire des Lemba … depuis lors, cette histoire africaine est devenue mienne.

 

Je suis né et j’ai été élevé en Afrique du Sud, et je connais les gens qui vivent en Afrique du Sud, du moins je le pensais. Mais ce n’est qu’en 1984 que j’ai appris au sujet des Lemba lorsqu’un fermier, Piet Wessels, de la région de Soutpansberg, m’a parlé de ce groupe de personnes avec leurs caractéristiques et pratiques sémitiques, qui se distinguaient des Venda par leur mode de vie. En outre, la plupart de ces Lemba se considèrent comme des israélites qui ont migré vers le sud du Yemen (menés par leur famille sacerdotale, les Buba) et plus tard en Afrique.

 

 Mon intérêt pour l’histoire en général et ma spécialisation post-universitaire sur l’Ancien Testament m’ont incité à recueillir autant d’informations que possible sur ce groupe intéressant. La simple possibilité qu’il puisse y avoir un tel groupe parmi nous m'a absolument intriguée. J’ai pensé que je venais de découvrir une "tribu perdue d'Israël" juste à notre porte, qui pourrait peut-être éclairer notre conception de l'Israël pré-monarchique. 

 

Mais ce n’est qu’après la mort de mon père, et après l’achèvement de ma thèse de Maîtrise sur les Clans pré-monarchique d’Israël, qu’en premier lieu j’ai eu une rencontre avec (le défunt) Professeur Mathivha, Président de l’ACL (Association culturelle Lemba). Cela eut lieu en aout 1994, à son domicile de Shayandima (Venda). Après cette entrevue, j’ai assisté à une conférence spéciale de l’ACL en avril 1995 et, par la suite, aux conférences annuelles d’octobre, à Sweet Waters, dans la province du Nord, depuis.

 

Lors de la Conférence spéciale des Lemba en 1995, j’ai été invité par le chef Mpaketsane à poursuivre mes recherches dans leurs communautés. C’est également au cours de cette conférence spéciale que j’ai rencontré pour la première fois feu le Dr Margaret Nabarro (musicologue) qui a encouragé le professeur Trefor Jenkins (et Spurdle) de l’Institut SA pour la recherche médicale de l’Université du Witwatersrand à effectuer des tests génétiques sur le peuple Lemba. Note 1

 

Les Lemba sont dispersés dans toute l’Afrique du Sud et sont directement liés aux Varemba au Zimbabwe et aux Mwenye dans le Mozambique et ailleurs. Jai décidé de mener mes recherches sur le terrain d’un point de vue qualitatif, principalement dans trois zones géographiques, à savoir Sekhukhuneland, Venda et les régions méridionales du Zimbabwe.

 

L’enthousiasme des Lemba pour les collines sacrées, les sacrifices d'animaux, l’abattage rituel des animaux, les tabous alimentaires, leurs rites de circoncision et l’endogamie – tout cela semblait suggérer une influence ou des ressemblances sémitiques, imbriqués dans une culture africaine. J’ai appris en outre que la plupart d’entre eux appartiennent à une église chrétienne et je me suis intéressé à leur façon d'interpréter la Bible à partir de leur arrière-plan "sémitique". Le but de mon étude de terrain (de 1995 à 1997) était, dans la mesure du possible, de rassembler toutes les traditions orales existantes avec une résonance de l’Ancien Testament, parmi les communautés mentionnées ci-dessus et de se concentrer sur leurs coutumes, fêtes, cérémonies et leur concept de Dieu et du Christianisme.

 

La plus ancienne tradition orale enregistrée de l’origine des Lemba, aussi connue sous le nom, musavi (acheteur/commerçant), nyakuwana (l’homme qui trouve les choses qui sont achetées), ou mulungu (homme blanc ou l’homme du Nord), soutient que leurs ancêtres israélites sont venus par bateau en Afrique en tant que commerçants, depuis un endroit éloigné, une ville appelée Sena, de l’autre côté de la Phusela. Ils ne savent ni d’où venait ni ce qu’était « Phusela », mais en Afrique, ils ont installé des relais commerciaux à différents endroits, et certains d’entre eux restaient sur place pour la gestion du site quand ils devaient partir. Ils étaient à la recherche d’or et après chaque expédition commerciale, ils retournaient dans leur pays par la mer. Ils se tenaient à l’écart de la population locale, mais après qu’une guerre ait éclaté dans leur pays, ils (les savi [marchands]), ne pouvaient plus y retourner. Leurs femmes n’étant pas avec eux, ils ont dû prendre donc celles des populations locales (w/vhazendji, "païens") – des tribus Rozwi, Karanga, Zeruru et Govera. Ils ont reconstruit Sena à plus d’un endroit en Afrique.

 

Parfitt a enquêté et a effectivement trouvé une ville ancienne nommée Sena au bout de l’oued Hadramaout, juste avant que la vallée ne se détourne vers la mer. Elle se trouvait sur la route commerciale, allant de la mer à Terim. La vallée qui mène de Sena dans l’Est de l’Hadramaout à un vieux port sur la côte de Yemini nommé Sayhut, est l’oued d’al-Masilah. Parfitt pense que Masilah est peut-être la « Phusela » de la tradition orale Lemba.

 

Une enquête plus approfondie a montré que certains noms de clans et de sous-clan des Lemba tels que Hadzhi, Hamisi, Bakali, Sadiki et Seremane sont en corrélation avec des noms communs dans l’Hadramaout oriental. Aucun d’entre eux n’avait les moyens de vérifier à l’avance cette corrélation. Une des conclusions est que leurs traditions orales sont très anciennes.

 

Un informateur de Soweto s’est souvenu que son grand-père lui avait dit qu’ils venaient à l’origine d’un endroit appelé Sena "quelque part au Sud de Jéricho". Un endroit appelé " Sena", "au Sud de Jéricho" ne peut être trouvé sur les anciennes cartes d’Israël ou de Moab, mais étonnamment, une ville appelée "Lemba" est indiquée. Il a également été constaté que l’historien Josephus a fait référence à cette ville de "Lemba" à plus d’une occasion. Note 2

 

Les Lemba ne pouvaient pas se souvenir du nom de leur pays mais ils savent qu’ils étaient des maîtres dans le travail de la fonte, du fer et du cuivre. Dans leur pays, ils fabriquaient des pots, cultivaient et tissaient du coton et étaient des maîtres dans le travail du bois, car ils devaient construire leurs propres navires pour leurs entreprises maritimes et ils ont la coutume d’être très impliqué dans la construction du Grand Zimbabwe.

 

Cette enquête prend au sérieux les traditions des Lemba, mais ne cherche pas à vérifier ou à falsifier les allégations des Lemba. Leur possible départ précoce d’Israël pourrait impliquer que leur religion pourrait contenir des vestiges d’un type de religion très ancien, ce qui rend ce groupe très précieux pour l’historien de religion ou de religion comparée et particulièrement intéressant pour étudier les points de convergence qui peuvent éventuellement exister entre Israël primitif (Age de fer, Israël, 1250-1000 avant J.-C.) et les Lemba. Note 3

 

Seules quelques-unes des coïncidences les plus marquantes seront brièvement mentionnées ici :

 

Une des lois sur l’alimentation les plus importantes des Lemba est qu’ils doivent se séparer eux-mêmes, le "peuple élu" des vhasendzhi ou "païens" car ces derniers sont incirconcis et sont les "mangeurs de viande morte".

 

Ils ne sont pas autorisés à manger du porc ou la nourriture des gentils.

 

De ne pas mélanger la viande et le lait.

 

Les pratiques funéraires correspondent remarquablement à celles d’Israël primitif.

 

La répétition des noms des ancêtres – rappelle le credo des clans israélites qui était répété lors d’évènements importants.

 

Lors de leur voyage vers le Sud, le ngoma lugundu (tambour qui tonne) a joué un rôle plus ou moins similaire à celui joué par l’Arche de l’Alliance pour les anciens clans israélites.

 

Un des rites sémitiques que les Lemba pratiquent avec une grande conviction est la circoncision. Nabarro soutient que la méthode associée à la circoncision masculine utilisée par les Lemba diffère nettement de celle de la religion islamique, la méthode semble être similaire au mode de circoncision pratiqué aux temps bibliques, avant l’introduction d’une circoncision plus extensive durant la période talmudique. Plusieurs observateurs notent particulièrement les caractéristiques physiques sémitiques des Lemba et le fait qu’ils optent pour "la pratique non-Bantu de la circoncision masculine des nourrissons".

 

La plupart des Lemba au Zimbabwe relient la circoncision à l’Alliance avec Dieu.

 

L’observance des Nouvelles Lunes et autres pratiques connexes par les Lemba, offre d’intéressantes possibilités d’interprétation de l’idée du Sabbat dans l’Ancien Testament.

 

Il semble que certains des codes juridiques et éthiques des Lemba ressemblent étroitement à ceux de l’Exode, du Deutéronome et en particulier ceux du Lévitique avec de nombreuses traces d’influences du monde de la vie de l’Ancien Testament. Par-dessus tout, les fêtes et les cérémonies postexiliques n’ont jamais été observées en Afrique Australe ni par les Lemba ni leurs voisins chrétiens.

 

Les résultats génétiques très médiatisés (depuis 1998-2000) des Lemba, les prétendus "Juifs noirs d'Afrique australe", trouvent leur origine dans les recherches effectuées par Jenkins et Nabarro. L’haplotype modal des Cohen (CMH) est un modèle distinctif trouvé parmi les membres du sacerdoce Juif (le cohaniem). Il s’agit d’un modèle d’héritage paternel.

 

À partir d’échantillons d’ADN, prélevés spécifiquement sur leur clan sacerdotal, les Buba, une relation très étroite a émergé entre eux (les Buba) et ceux du (sacerdoce) des cohaniem en Israël et dans le monde entier.

 

Conclusion :

 

Une grande partie de mon livre constituait une comparaison induite par la théorie de Smart. Il n’est évidemment pas simple de comparer la religion des Lemba avec celle d’Israël, et cela pourrait être considéré comme un exercice impossible. Néanmoins, étudier les Lemba en tant que groupe au caractère unique pourrait apporter un éclairage sur ce que nous savons de la culture orale et des structures socioculturelles des clans israélites.  Afin d’obtenir une meilleure compréhension de l’Ancien Testament, les chercheurs pourraient apprendre de l’Afrique en tant que source vivante de pratiques et coutumes telles que la polygamie, l’endogamie, la circoncision, les sacrifices, l’adoration de Dieu comme faisant partie de la vie de tous les jours, le sens de la communauté, l'importance de la généalogie, l'importance de la signification des noms, le fonctionnement des traditions orales, etc.

 

Ma comparaison montre qu’il y a au moins une indication très forte indication d’une corrélation antérieure entre la culture des Lemba et celle d’Israël primitif. Les échos du Judaïsme ancien sont abondants dans les communautés Lemba. Ces éléments indiquent des similitudes étroites avec Israël primitif, pas avec le Judaïsme contemporain. La plupart de leurs rituels et pratiques sont ancrés dans une religion traditionnelle africaine et s’appuie aujourd’hui largement sur des sources chrétiennes des Lemba et, de manière limitée, sur le Judaïsme moderne. Les nombreuses similitudes ont de la valeur à plus d’un titre, mais il convient également de souligner les différences significatives.

 

Les traditions orales des Lemba et les données historiques, archéologiques et génétiques constituent la possibilité que l’immigration de commerçants Lemba en Afrique ait pu avoir lieu avant même l’ère chrétienne, mais plus probablement avant le 6e siècle après J.-C.. Des immigrations ultérieures auraient pu avoir lieu, mais elles sont tout aussi difficiles à déterminer. Mais il semble qu'il y ait eu un lien historique entre les Lemba et le monde sémitique.

 

Lors de la publication des résultats génétiques en 2000, Thomas a conclu que :

 

"...une origine dans une population "sémite" en dehors de l’Afrique, un flux de gènes transmis par les hommes provenant d'autres commerçants sémites... et un mélange (métissage) avec des voisins Bantu sont à plus d’un titre compatible avec les traditions orales et l’histoire des Lemba" (Thomas et al 2000:669). )

 

La question cependant demeure :

 

Les Lemba sont-ils donc une tribu perdue d’Israël ? Ma réponse est simple : Lisez le livre.

 

Notes

1 À ce stade, les résultats ont montré des liens intéressants entre le peuple Lemba et ceux dont ils prétendent être originaire. Ceci est en contradiction, par exemple, avec des tests similaires prélevés sur les Falasha et d’autres peuples africains qui les entourent.

2 Selon lui, le Judaïsme a été imposé aux villes des communautés des anciens Moab par Alexandre Jannus en c. 103-76 avant J.-C., dont la ville de Lemba (Ant XIII). Si cette ville a quelque chose à voir avec le peuple Lemba ici en Afrique du Sud, on ne le saura jamais. Par ailleurs Josephus fait référence à un groupe de prêtres et de lévites qui ont fui la Palestine en Égypte lors des persécutions d’Antiochus IV Épiphane près de cent ans plus tôt, en 175-163 av. J.-C. et qui ont très probablement établi une sorte d’influence judaïque dans le Nord de l’Afrique. Rien n’aurait pu empêcher certains de ces groupes sacerdotaux de migrer plus au sud de l’Afrique.

3 Je compare les Lemba avec Israël primitif (1250-1000 av. J.-C.), car : (i) leurs communautés fonctionnent selon un système clanique segmenté sans chef commun ; (ii) cette période est intéressante pour l’étude des cultures orales ; et (iii) ils se considèrent comme des "enfants d'Abraham" qui, à un moment ou à un autre, sont venus en Afrique, et parce qu'ils étaient disponibles à mon égard,

ISBN 1-86888-283-7 disponible auprès de l'Unisa Press.